Addiction aux écrans : Le cyberamassage
Quand on parle de cyberdépendance ou d’addiction aux écrans, on pense immédiatement au temps passé devant les écrans en regardant la télévision, les séries, naviguer sur les réseaux sociaux ou les jeux. Le cyberamassage est l’un des pilier de la cyberdépendance même si, à première vue, le stockage de données est réalisé dans un but perçu comme positif.
Des classeurs dans la bibliothèque … au 2.0
Imaginez cette scène datant de plusieurs décénies (les plus jeunes auront dû voir les parents ou grands-parents faire) : Au sein du magazine télé (à titre d’exemple, il y en avait aussi dans le journal de Mickey) se trouvaient plusieurs recettes de cuisine (entrées, pour les enfants, plats du monde, salades de saison, cocktails …).
Il pouvait arriver, dans certains foyers, que cette page fut découpée. Une fois découpée, elle retrouvait ses congénères dans un dossier ou dans un classeur bien ordonné, avec une classification choisie par l’auteur de cet archivage.
Mais combien de fois ce classeur ou dossier a t’il été ouvert par la suite? Quel pourcentage de recette a été testé ? Qui a encore ces fameux classeurs en se disant « un jour » « quand j’aurais le temps » et garde ce trophée au milieu des autres livres de cuisine ? (On parle d’une époque où Marmiton, 750g n’existaient pas)
Le cyberamassage, c’ est l’archivage de ces recettes d’antan en version 2.0 (et puissance 10). On retrouve ce phénomène avec des photos (voitures, voyages), des recettes, des tutos, du DIY, du coloriage etc.
Un exemple : une amie, assistante maternelle, m’a avoué récemment avoir passé des heures et des heures devant son ordinateur à télécharger des coloriages et avoir réalisé différentes classifications :
- Par âge (bébé, maternelle, adultes avec du Mandala par exemple … )
- Par difficulté
- Par thèmes (Disney, super héros, Noël, Halloween, Kawaii … )
- Les « autres » (dessins à cases, points à relier … )
Il y avait donc des dossiers, des sous dossiers et des sous-dossiers de sous-dossiers (et un sous dossier de sous dossier de sous dossier) pour plus de 10000 fichiers. Pour combien d’impressions ? Surement une centaine ! Pas plus. Dans notre discussion, il y avait un sentiment de satisfaction dans cette réalisation et de « devoir accompli ». Mais, de son propre aveu, cela a conduit a un manque de sommeil pouvant se répercuter sur son travail. Si cela se limitait au coloriage, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter, mais en parallèle il y avait les recherches de photos, le DIY et … Les fonds d’écrans!! (oui en 2023, il y a encore des personnes qui ont un dossier « fond d’écran » dans leur ordinateur). « Et puis naviguer sur Pinterest c’est quand même plus enrichissant que Tik Tok » (là-dessus on peut être d’accord. Mais je doute du bénéfice santé/travail si c’est fait entre minuit et 2H du matin).
L’importance de la capacité de stockage
Le cyberamassage a évolué au fil du temps avec l’augmentation de la capacité de stockage. Quand on avait du stockage externe de 1GO en 2005 (et je ne parle pas des disquettes!!) on faisait attention, on triait et gardait le strict nécessaire sous peine de saturation de l’espace de stockage. De nos jours avec plusieurs Terra et des solutions cloud, la capacité de stocker des données est quasi illimité. Imaginez tout ce que vous entreposez dans votre cave ou votre garage; puis imaginez une capacité de stockage illimité : je vous garantis que vous continuerez à accumuler des « au cas où ça pourrait servir un jour ».
Dans les cas les plus extrêmes, passer sa journée à traiter des données peut amener au «syndrome de Diogène numérique», un trouble du comportement qui consiste à accumuler des biens numériques et passer son temps à les classer.
On peut donc définir la notion de Cyberamassage comme le fait de passer des heures à classifier de façon méticuleuse des fichiers sans jamais les utiliser ou les regarder à nouveau. Le traitement de ces données ne permettant plus d’accomplir les activités essentielles de la vie quotidienne. Un article de 2015 décrit un homme qui passait son temps à classifier des données et qui délaissait les choses essentielles comme : faire attention à son hygiène, réaliser les tâches ménagères, dormir, s’alimenter convenablement. Sans oublier la coupure sociale.
le Cyber amassage est l’une des conséquence du FOMO alias « Fear of missing out » . La peur de manquer quelque chose. Cela peut être la série du moment pouvant amener au Binge watching, le black friday ou autres promotions, vente privée, la tendance du moment etc. différents points qui mériteraient d’être développés ultérieurement. Dans le cadre du cyberamassage, l’idée est de « tout » avoir, « tout » récupérer ce qui engendre une excitation d’en avoir toujours plus. Plus que ce « que j’ai déjà », plus « que l’autre », ce qui stimule encore et toujours des recherches complémentaires. Il y a également la peur que les « autres profitent d’expériences plus enrichissantes que les miennes », de rater quelque chose. Reprenons l’exemple de notre collectionneuse de coloriages, elle se sentira rassurée d’avoir plus que les autres mais acceptera volontiers de partager ses trouvailles.
Le temps : Un allié pour lutter contre le cyberamassage
Il y a plusieurs façons de lutter contre l’addiction aux écrans et le cyberamassage. Le temps est un facteur déterminant. L’idée principale est de travailler sur le temps que l’on a et qui est imparti à la recherche et au classement numérique.
Et si …
- On acceptait de s’ennuyer ? Accepter l’ennui pour casser l’activité routinière et stimulante de la recherche constante de données. S’ennuyer pour prendre un livre, aller se promener, réaliser des taches procrastinées …
- On coupait les PC, smartphone le soir, la nuit ?
- La chambre était un sanctuaire sans écran ?
- On utilisait les données stockées ? Par exemple en réalisant les recettes de cuisine, en organisant une activité mandala, création de livres photos, activités DIY … L’idée est d‘ajouter aux tâches « recherche », « archivage » une tâche « réalisation » obligatoire et passer de facto moins de temps devant les écrans.
Créer des dossiers, rechercher et archiver, ne fait pas de nous des Cyberdépendants. Mais si le surfing est (trop) important, cela peut contribuer à une perte de productivité, une surcharge de travail, délaisser les tâches du quotidien, un manque de sommeil, une hausse du stress, des changements d’humeur (dont une attitude euphorique) … Il conviendra, en conséquence, de changer son comportement face à ces taches.
Et ce n’est pas écolo!!
Certains vont dire « Arnaud, quand même, si ces données ne sont pas imprimées ou est le soucis? Hormis peut être l’électricité dépensée ».
Si ces données sont stockées en ligne , en plus de leur consommation d’énergie très polluante, les Data center nécessitent une grande quantité d’eau pour rester à la bonne température (un centre de taille moyenne engloutit 600.000 mètres cubes par an, soit l’équivalent de 6,5 piscines olympiques chaque jour.) et sont responsables de plus de 2 % des émissions de gaz à effet de serre. Donc plus on stock des données en ligne, plus il sera nécessaire de construire des hôtels à data. Limiter le stockage inutile en ligne, permet donc de libérer de l’espace et de ce fait limiter la création de ces centres énergivores
Et quand bien même les données sont stockées sur disque dur , il est toujours bon de rappeler que le digital consomme 10% de l’électricité produite dans le monde.
Et vous pratiquez vous le cyberamassage? N’hésitez pas à témoigner de vos expériences.
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